INSTITUT DE RECHERCHES DE PHILOSOPHIE CONTEMPORAINE
L'indétermination
Heisenberg, physicien et mathématicien a mis un terme aux principes qui présidaient à la théorie mécaniste newtonienne.
En pleine crise de la représentation de l'atome du fait des incertitudes quant à sa nature de corpuscule ou d'onde, il a avant tout rendu manifeste l'incertitude méthodologique dans laquelle nous étions, du fait de l'intervention de l'observateur dans l'observation, mais surtout du fait des instruments utilisés, soit ces paradoxes et limites de l'instrument de modélisation : les mathématiques.
Ce principe de la physique, signe de l'aporie des mathématiques
EXPOSE
Les travaux de M. Planck, A. Einstein et L. de Broglie montrent que la nature quantique de la matière entraîne l'équivalence entre des propriétés ondulatoires (fréquence et vecteur d'onde) et des propriétés corpusculaires (énergie et impulsion). Cette apparente dualité entre corpuscule et onde pose le problème de la définition simultanée de la fréquence et vecteur d'onde d'un objet qui doit avoir aussi une certaine extension en espace et en temps.
Le principe d'indétermination-incertitude énonce de façon contre-intuitive du point de vue de la mécanique classique, que pour une particule massive donnée, on ne peut connaître simultanément sa position (corpuscule) et sa vitesse (onde).
J.R. Oppenheimer l'exprime dans La science et le bon sens :
" Rien ne permet de supposer que position et vitesse sont des attributs d'un système atomique, dont les uns sont connus, et les autres peuvent l'être. On est obligé de reonnaître que toute tentative de détermination des seconds feraient perdre la connaissance des premiers, que l'on peut suivre pour observer l'atome ou le soumettre à l'expérience. Nous somme sen présence d'un état de la chose entièrement défini par la nature de l'observation et de son résultat. La première déterminant les propriétés du système qui seront bien définies et celles qui le seront médiocrement, le second mesurant ensuite les quantités bien définies."
La science et le bon sens - Edition Gallimard - Trad. A. Colnat - page 106
EXAMEN
Le principe d'indétermination-incertitude établit donc qu'il est impossible de mesurer simultanément, non point seulement du fait des conditions d'expérience et de l'influence de l'observateur sur ce qu'il observe avec ses instruments; mais bien plus radicalement du fait de l'incalculabilité simultanée des variables liées dont l'interdépendance est la raison même de l'indétermination.
Il faut alors interroger les notions de position et de vitesse qui sont contradictoires dans une étendue indéterminée parce que pure quantité quantifiable. En effet, la position et la vitesse sont des notions qui résultent d'un jugement de conscience, soit la manifestation d'une relation conjoncturelle d'un agent à sa perception d'objets et événements. La position dans une étendue indéterminée prend une valeur algébrique du fait d'une signification et d'un ordonnancement d'axes cardinaux qui n'ont rien de quantificateurs, mais tout d'une appropriation qualitative et d'une structuration d'une étendue. Dans cette étendue indéterminée, aucune position ne saurait se distinguer sans le soutien de ces directions qui sont, non des pures grandeurs, mais des sens qui déterminent et induisent la différenciation et la distinction, donc la position. L'agent oublie qu'il est acteur de cette détermination arbitraire de la position origine et des axes qui sont le fruit d'une convention, alors que tout point peut être simultanément origine et distancié à l'origine et ce à l'infini parce que la quantité pure ne détermine rien.
L'indétermination révèle une aporie plus fondamentale présente dans l'instrument algébrique lui-même. Aucun des premiers signes de l'algèbre n'est autonome, c'est-à-dire autodéterminé. Comment les premiers chiffres se positionnent-ils relativement les uns aux autres ? Quand le "0" est la position originelle d'un espace ou le premier signe de la suite numérique, le "1" est tout à la fois une autre position analogue en tout point comparable à la première et un terme qui acte d'une distance qui détermine l'unité de base. Elle est alors contradictoirement l'ensemble qui rassemble la somme des points qui font cette première distance et une position distincte et analogue à la première. Ainsi, chaque chiffre ou nombre est à la fois une position analogue aux précédentes et une valeur de distance ou de dénombrement, soit un ensemble.
Cette double fonction, position analogue à l'origine et distance à l'origine induit que le signe algébrique est simultanément et contradictoirement la manifestation d'une étendue et la description d'une position. La recherche d'une position revient à faire de chaque position le point origine sans valeur algébrique et à extrapoler une valeur algébrique différente du fait de la distance à un point origine distinct et repère. C'est ici le signe de la double signification permanente d'un nombre : ordinal et cardinal, décrété tantôt l'un, tantôt l'autre selon l'usage immédiat, sans prendre la pleine mesure de cette dialectique non-univoque qui fait du signe de la représentation la source et le reflet de ce qu'il représente.
ENSEIGNEMENTS
L'indétermination est la manifestation de cette aporie initiale. Ce sont les premiers termes de l'arithmétique qui ne résistent pas à cet examen C'est la pratique de la mesure ou quantification qui révèle son indécidabilité quant à la signification aporétique des premiers termes.
Au-delà de ce premier enseignement, le principe d'indétermination souligne l'hétéronomie des signes qui sont des variables liées dont la signification tient toujours d'un système de relations où chaque définition requiert celles des autres termes. Au-delà donc de cette incertitude, apparaît l'incomplétude originelle des termes qui ne peuvent en aucun cas constituer des axiomes à l'évidence manifeste.
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A partir de : Penser au-delà des mathématiques - pages 66 à 68, 89 à 94 et 167